Comment gagner un World Press Photo ?

Le World Press Photo est une compétition internationale annuelle depuis 1955. Un jury indépendant, invité par l’organisation, est chargé chaque année de sélectionner les meilleures images de l’année dans 6 catégories. Les lauréats voient leur photo exposé dans une exposition itinéraire qui circule dans 100 lieux partenaires situés dans 50 pays du monde. 

Maral Deghati, qui travaille à l’organisation du concours, a accepté de nous en dire plus sur les coulisses de l’événement de photojournalisme le plus attendu de l’année. 

Dans ce nouvel épisode du podcast, vous allez apprendre :

  • Ce qu’est l’organisation du WPP (1’’45)
  • Comment sont sélectionnées les images (17’’04)
  • Ce qu’il faut produire pour être publié dans la presse (10’’45)
  • Pourquoi travailler en équipe (25’’20)
  • L’importance de devenir spécialiste de son sujet (25’’55)

Vous pouvez aussi écouter cet épisode sur Apple Podcast ou sur Soundcloud

Qu’est ce que l’organisation du World Press Photo ? 

Au delà du concours international mondialement reconnu, le World Press Photo est une fondation indépendante soutenue par deux sponsors : Dutch Postcode Lottery et Canon. La fondation comporte un département éducation, un département communication, un département exposition. C’est aussi un magazine en ligne. 

La fondation organise également une masterclass : 12 photographes, âgés de moins de 32 ans, sont sélectionnés pour passer une semaine à Amsterdam auprès de professionnels de l’image pour apprendre le storytelling et améliorer leurs reportages. 

Maral Deghati rappelle que la masterclass n’est, en aucun cas, une formation pour partir en zone de guerre :« ce n’est pas notre but et ce n’est pas notre responsabilité ». Le travail de la fondation, à travers cette masterclass, c’est de soutenir le talent et la diversité des photographes. 

Le prix peut parfois donner l’impression aux jeunes photographes qu’il faut prendre des risques pour avoir une chance de gagner. « Mais ils n’ont pas compris pourquoi c’est bien de gagner des prix. Ce n’est pas pour la gloire, ce n’est pas pour avoir un nouvel appareil photo, c’est pour avoir une visibilité et un soutien dans ce qu’ils font ». 

Comment sont sélectionnées les images lauréates ?

Deux critères sont pris en compte : l’esthétique et l’histoire. 

D’abord, les images sont soumises, anonymement et sans légende, à un premier jury qui fait une sélection en se basant uniquement sur l’esthétique de l’image. Ensuite, un deuxième jury, présidé par une personnalité, est chargé de lire les légendes, de commenter les choix des sujets. Une commission de « fact checking » est chargée de vérifier la cohérence des histoires et la véracité des faits apportés par les photographes.  

Puis un dernier jury est chargé de sélectionner les meilleures histoires, celles qui ont été importantes dans l’année. 

Mais Maral l’affirme : « le jury ne se base pas sur le fait qu’une photo devient virale ou non. Leur choix se porte sur les images les plus importantes au regard de l’histoire ». Ce sont surtout les 18-25 ans qui font d’une image un phénomène viral. 

Quant à la part des freelances parmi les lauréats, Maral précise : « 45% des lauréats sont freelance, bien souvent les lauréats primés sont indépendants mais en commande pour un client ».

Image lauréate du WPP 2020, Khartoum, Soudan©
Yasuyoshi Chiba

Que faut-il produire pour être publié dans la presse ? 

Maral Deghati distingue deux cas de figure. 

L’image unique réunit à elle-seule toutes les informations nécessaires pour comprendre l’action. « Certains photographes sont de vrais artistes, ils produisent vraiment des cadrages pertinents, souvent les agenciers arrivent à bien cadrer l’information dans une seule image qui peut faire le tour du monde et être comprise par le plus de personne ».

Pour un sujet magazine, il  faut évidemment plusieurs images. « C’est un vrai travail de photo editor, il faut sculpter l’histoire ». Il s’agit de trouver le bon équilibre entre l’information, l’esthétique et l’émotion. « C’est une réaction, il faut que l’image sorte du lot par rapport aux tonnes d’image qu’on voit tout le temps ».

Sur la question de la répartition homme-femme dans le photojournalisme, Maral Deghati pense que les magazines ne prennent pas assez le risque d’embaucher des femmes, notamment sur les zones de guerre. Elle donne pourtant l’exemple d’Alexandra Boulat, qui a eu accès, en tant que femme au Moyen-Orient, à des sujets que des hommes n’auraient pas pu traiter. 

Pourquoi travailler en équipe ? 

« Travailler seul c’est compliqué, on s’ennuie et c’est dangereux finalement ».

Maral Deghati revient sur son expérience de « photo editor » à l’AFP, qui lui a permis de comprendre l’impact des images, de vérifier les faits, de rédiger les légendes tout en gardant un œil sur l’actualité. Elle s’est ensuite mise à son compte pour pouvoir choisir les photographes avec lesquels elle souhaitait travailler. Elle a notamment travaillé avec Stanley Greene : traitement des archives, travail de recherche avant le départ sur le terrain, travail sur la diffusion des images. 

Ce travail en binôme permet au photographe de prendre de la distance par rapport à ses images. Maral conseille aussi de trouver un écrivain et de partir sur le terrain avec lui.

Le travail en équipe peut se faire une fois que le sujet est produit. C’est une autre façon de faire vivre l’histoire que l’on vient de raconter. On peut organiser une exposition, publier un livre mais on peut aussi chercher des collaborations avec d’autres artistes, des vidéastes ou des musiciens, par exemple. 

Comment devenir spécialiste d’un sujet  ?

Maral Deghati pointe du doigt les photographes d’aujourd’hui qui, selon elle, « ne font pas assez de recherches ». Elle appelle les photographes à réellement s’interroger sur ce qu’ils veulent raconter : « oui le sujet a été fait 15000 fois, c’est pas grave, tant mieux. Il faut étudier les cas d’avant ; savoir qu’est-ce qu’on peut rajouter comme autre perspective au sujet ». Il faut devenir spécialiste du sujet avant de partir sur le terrain. 

« Jim Jarmush et Wim Wenders ne sont pas devenus des cinéastes sans regarder le monde de la photo, Raymond Depardon n’est pas devenu photographe sans regarder de film ». Elle conseille de faire sa propre éducation de trouver l’inspiration en allant au-delà des images. « Il faut parler à des scientifiques, à des académiciens, des gens qui n’ont rien à voir avec le métier mais qui sont spécialistes du sujet que l’on veut couvrir. C’est dans la collaboration aujourd’hui que l’on travaille ». 

Enfin, si elle ne devait retenir qu’un seul conseil à vous donner, elle répond, sans hésiter : « contactez les mentors, ils sont accessibles ». Grâce à Internet, nous avons accès à tout le monde. On peut poser des questions facilement. « Osez demander » ! 

Toutes les informations utiles de l’épisode

World Press Photo

Le magazine en ligne

Les photographes et professionnels cités dans l’épisode

Joao Silva
Paolo Pellegrin
John Steiner

Ivor Pricket

Adam Fergusson

Raymond Depardon
Magdalena Herrera

Jim Jarmusch

Wim Wenders

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masterclass photo
Fred Marie
Photoreporter professionnel, auteur du livre et du blog "Photographe Stratège"
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