Visa pour l’Image, les coulisses du festival international de photojournalisme

Visa pour l’Image est le festival de référence en matière de photojournalisme. Il a lieu chaque année en septembre à Perpignan. La première semaine est réservée aux professionnels venant du monde entier pour échanger sur l’évolution du métier et du marché de l’image. 

Arnaud Felici est coordinateur général du Festival Visa pour l’Image. Il est également à la tête du CIP, le Centre International de Photojournalisme qui a pour mission de mettre en avant le travail des photojournalistes. 

Dans ce nouvel épisode du podcast, vous allez apprendre :

  • Comment est né le plus grand festival de photojournalisme au monde
  • Comment s’organise un festival tel que Visa
  • Comment sont sélectionnés les sujets
  • Comment trouver des financements pour vos sujets

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Comment est né le plus grand festival de photojournalisme au monde ?

Il faut revenir dans les années 80. Arnaud nous explique que c’était une période de grande évolution en France avec les lois sur la décentralisation. En effet, ces lois ont permis aux collectivités d’être maître de leur budget et de ne plus avoir de contrôle par l’état (plus précisément, par la préfecture) avant la réalisation de projet.

Toutes les villes ont eu la capacité de gérer leur budget comme elles le souhaitaient. « C’est comme ça qu’on a vu, à cette époque, partout en France la création de manifestations culturelles, sportives et autres ». 

Ce qui s’est passé plus particulièrement à Perpignan, c’est un appel à projet lancé par des collectivités (la Ville de Perpignan, le Département, la chambre des métiers, la chambre de l’Agriculture, l’union patronale, la chambre de commerce). Ces structures ont pointé le manque d’activité économique sur le territoire à partir du 15 août. Elles ont eu l’idée de créer un événement pour « faire revenir le monde sur la période d’août/septembre ».

Festival Visa pour l'Image - Photojournalisme - Perpignan
Affiche du festival Visa pour l’Image à Perpignan. Septembre 2020 © Raphaëlle Trecco

Beaucoup de structures ont répondu et c’est un projet autour de la photographie qui a été retenu. « Voilà comment Visa pour l’Image est né. Jean-François Leroy était déjà de la partie ». Arnaud nous explique que Jean-François travaillait au magazine Photo à l’époque et il a présenté Paris Match comme partenaire du projet alors que ce n’était pas encore le cas. « Il a déboulé à Perpignan avec un Match hypothétique et c’est comme ça qu’il a convaincu. Le premier Visa, il n’y avait que la France et l’Italie représentées, une centaine de photographes, un bilan financier pas forcément positif. Alors que  Match et Photo voulaient arrêter la manifestation, le maire de la ville a décidé de combler les dettes pour que le festival soit maintenu à Perpignan ».

L’organisation d’un festival tel que Visa  

Arnaud Felici revient sur son travail. « Je suis chargé de faire le lien entre l’organisation de Jean-François Leroy et le territoire à Perpignan, les partenaires locaux et les partenaires institutionnels ».

L’association Visa pour l’Image est située à Perpignan. Elle a deux missions

  • Organiser le Festival Visa pour l’Image

« On travaille en partenariat avec Jean-François. L’association passe commande à Jean-François pour l’organisation d’un festival. C’est un contrat de 3 ans. Nous sommes dans la 2ème année du contrat ». 

  • Mettre en œuvre une action annuelle autour du photojournalisme, via le CIP, centre qui a pour vocation la promotion du métier des photojournalistes, la défense de la liberté d’expression, la valorisation des fonds photographiques et bien sûr l’éducation aux médias. 

Jean-François Leroy est président de sa société « Images Evidence », qui réalise le festival. Il est directeur artistique de Visa.

« On a un fort financement public, il est normal que, pour tout euro public utilisé, il y ait une mise en concurrence pour attester que tout est règlementaire ».

Le budget de Visa est constitué du budget de l’association et du budget d’Images Evidence. « L’association a pour mission d’aller chercher des financements publics et des mécénats locaux et régionaux, de temps en temps nationaux mais la responsabilité des partenariats nationaux et internationaux appartient à Jean-François Leroy ».

1 300 000 euros, c’est le budget global de Visa pour l’Image. « L’association ne couvre pas l’ensemble du budget. Jean-François Leroy consolide le budget d’environ 25% ». Il faut rajouter des prestations techniques qui sont apportées par des partenaires comme la Ville, ou des partenaires privés, ce qui représente 700 000 euros de budget en plus.

Comment sont sélectionnés les sujets ?

L’année 2020 est évidemment un peu particulière mais, en règle générale, Jean-François Leroy reçoit entre 3500 et 4000 sujets. Il faut savoir que le festival présente environ 25 expositions et si l’on compte les soirées de projections, « on doit monter à 200/250 sujets projetés sur 6 jours », précise Arnaud Félici.

Le travail de sélection est conséquent. 

En moyenne, le festival reçoit chaque année entre 2800 et 3000 professionnels qui viennent participer au festival Visa pour L’image. 

Dans le cadre du Festival, il y a deux parties distinctes : 

  • Tout ce qui est à destination du public est gratuit (expositions, colloques, projections,etc…)
  • Tout ce qui est à destination des professionnels est accessible sur accréditation.

L’organisation de la partie professionnelle est entièrement organisée par Images Evidence.

« L’essentiel des sélections d’images, c’est Jean François Leroy et sa directrice adjointe Delphine Lelu. Jean-François n’est sur aucun jury de remises de prix, ces sélections sont confiés à des picture editor du monde entier, tous médias confondus, que ce soit du web, de la presse, de la télé, de la radio ».

Ce sont des gens qui ont vécu ou qui vivent cette évolution dans ce secteur d’activité. Arnaud nous rappelle que « c’est tout le secteur d’activité de l’information, pas uniquement la presse-papier, qui est en train se transformer ».

Il prend l’exemple des magazines qui font paraître du people et du reportage. « Si le portrait d’une famille royale en couverture permet de financer un photojournaliste pour aller couvrir le moyen orient, c’est une logique d’équilibre ».

Cette logique a toujours existé jusque dans les années 80/90 dans les agences, où elles faisaient du news, du reportage, de l’archive.

Or, les agences ont été démantelées parce que cette logique s’est cassée. « Le people ça marche, je garde, l’archive, ça ne fonctionne pas, je m’en sépare ». 

Dès lors se pose la problématique de mémoire : Arnaud nous alerte sur cette mémoire photographie qui « reste importante pour comprendre notre monde ».

On le voit avec l’évolution du numérique. Il y a encore 10 ans, on critiquait Instagram, Facebook, Twitter. On se rend compte aujourd’hui que tous les professionnels, pour exister, passent par ces outils-là pour avoir une audience, une communauté qui les écoute, qui les regarde. Aujourd’hui là, ces outils prennent le pas sur la presse traditionnelle. 

Arnaud reconnaît que « les nouvelles générations sont de moins en moins sur un support papier. Ils utilisent un support dématérialisé ».

Si l’utilisation d’un Facebook, d’un Instagram permet de montrer une situation, un événement dont on n’a pas conscience, dont on n’a pas idée, alors c’est une avancée. « Nous sommes tous des vigies maintenant. On a tous la capacité à pouvoir s’indigner et à pouvoir montrer quelque chose qui nous révolte ».

Couvent des Minimes - Visa pour l'Image - Exposition de Sarah Caron
L’exposition de Sarah Caron « Les derniers des Mohana » au Couvent des Minimes. Septembre 2020 © Raphaëlle Trecco

Trouver des financements pour vos sujets

« Visa, avec sa force d’impact, de prix et de bourses c’est plus de 140000 euros qui sont distribués aux photographes ». 

À l’origine, Visa n’avait pourtant pas cette vocation de doter les prix. Les dotations ont commencé pour les 20 ans du festival. « On était en 2008, le secteur avait tellement évolué, les magazines et journaux n’étaient plus forcément dans de la commande, Visa a fait le choix par le biais de Jean-François qui est allé voir les partenaires privés pour trouver des fonds ». 

Depuis trois ans, la volonté de l’association et du festival est d’offrir une rémunération aux photographes, ce qui n’était pas le cas avant.

Les photographes sont rémunérés à hauteur de 1000 euros pour tout travail exposé. 

Le CIP est dans la même démarche. Chaque production d’exposition donne lieu à une rémunération du photographe. « Le ministère a sorti fin 2019 un protocole de rémunération qu’on a appliqué ». 

Il faut que les photographes apprennent à aller chercher les financements. Des fondations existent, des entreprises cherchent à faire couvrir des reportages, des ONG cherchent des photographes. Chaque ministère a des appels à projets, des bourses.

Arnaud Felici encourage tous les photographes à faire une veille active. « C’est du travail. C’est comme pour un archéologue qui passe 95% de son temps dans une bibliothèque et 5% de son temps sur un chantier ».

Il y a des structures qui proposent des résidences photographiques, photo-journalistiques, artistiques. Les informations sont facilement accessibles par Internet.

Le CIP réalise tous les ans depuis 5 ans maintenant une résidence avec un photographe. Ainsi, dans le cadre de cette résidence, le photographe est rémunéré à hauteur de 9000 euros pour 3 mois d’activité, ce qui peut permettre de financer des projets au long cours. 

À ce propos, nous avons interrogé Frédéric Noy qui a eu la gentillesse de partager tout son mode de fonctionnement pour financer ses projets au long cours.

Arnaud pointe l’importance de diversifier son activité pour survivre dans le métier. Il reconnaît qu’il faut améliorer la formation des photographes. « C’est peut -être ce qui manque dans les cursus de formation ou dans les écoles. On apprend la technique, la pratique mais on n’apprend pas à vivre de la photographie ».

Arnaud Felici termine par cette invitation à passer à l’action :  « La chance, ça se provoque » !

On ne peut s’empêcher de rebondir sur la phrase de Pierre Desgraupes, pionnier de la télévision française, qui prendra la tête d’Antenne 2 en 1981 : « Le manque de chance est une faute professionnelle ».

Toutes les informations utiles de l’épisode

Festival Visa pour l’Image

Centre International de Photojournalisme

Rémunération du droit de présentation publique

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Fred Marie
Photoreporter professionnel, auteur du livre et du blog "Photographe Stratège"
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